30 avril 2006

l'oreille

L’oreille dressée comme une voile, à l’avant du vaisseau cageot,
le capitaine Chat veille. Pirates, moineaux et mulots trottinent sur la terrasse.
Un corbeau croasse trois fois : « Nevermore ! ». Le chat lui répond : « Cause toujours !
Tu manges des charognes ! A moi, on offre sachets, bouteilles et boîtes ! »

29 avril 2006

boîtes

Boîtes bonnes nouvelles, boîtes mauvaises nouvelles ; boîtes aux lettres bientôt boîtes obsolètes.
Boîtes exiguës, incapables d’absorber la masse croissante des répugnants prospectus publicitaires.
Les prédatrices : la rouille, la végétation parasite, l’araignée de l’internet.
Boîtes, maisons miniatures, filles de la grande maison, agonisant contre le mur.

26 avril 2006

le mur

Le mur rayonne douloureusement ; dans la maison, les parquets dilatés grincent.
Le linge sèche et les habitants dévêtus suent dans la pénombre moite ;
les volets clos mais les fenêtres ouvertes, l’on entend la musique ;
une danseuse orientale tourne dans l’air tiède en comptant ses voiles.

24 avril 2006

voiles

Voiles claquant dans le vent, la prairie navigue dans le premier soleil.
Sur la Marie-Céleste, torchons et chemises voyagent dans des cabines séparées.
Au pied du noyer, un canot de sauvetage, le panier à linge,
pourra transporter au sec les vêtements des fantômes menacés par la pluie.

22 avril 2006

la pluie

La pluie violente, noire et salée, a giflé la surface du permafrost.
Les radiations venues du ciel picorent la toundra gelée, brûlent les lichens.
Ici et là, une eau saumâtre sourd entre les blocs de tourbe.
Chaque jour, le gardien des images enregistre les progrès de la maladie.

19 avril 2006

la maladie

La maladie venue de l’intérieur gangrène la façade de la léproserie.
Des pustules de rouille éclatent et saignent sur la voiture du docteur.
On n’a pas renouvelé le pansement après l’ablation des batteries ;
Christo, l’embaumeur, sera obligé de coudre et de pomper sans électricité.

18 avril 2006

électricité

17 avril 2006

mort

Mort proclamée, mots échangés fraternellement dans le couloir : « Memento mori ! » « Memento mori ! »
Mort consommée dans la transformation du monastère en Centre d’Art Contemporain.
La procession des moines ne déplace plus les ombres du cloître rénové.
Au creux des alpages, exposition-vente, le veau d’or toujours debout.

14 avril 2006

debout

Debout sur la plage, sainte Françoise d’Ostende s’adresse aux goélands.
Incognito, bien au chaud dans sa poussette, le petit Alfred H. gazouille.
Dans un bar, en ville, Léon Spilliaert se réchauffe avec un genièvre ;
il a le nez rouge et du sable jaune dans ses chaussures.

13 avril 2006

chaussures

Chaussures de sécurité à bouts renforcés, gants protecteurs, massette en acier, burin ;
en salle d’opération, le maçon pratique une saignée à ciel ouvert.
Le burin du chirurgien sonne comme un tocsin dans l’air matinal.
Ouverture du diaphragme ; l’objectif avale la lumière dans un spasme silencieux.

10 avril 2006

silencieux

Silencieux, hypothétique réincarnation secrète et chiffrée de Francis Picabia, l’épagneul breton
abrité sous l’éternit, tapi derrière son bloc, regarde couler l’Achéron.
Le canot de Caron amarré à la rive attend le prochain passager.
Seul, Zeus connaît le nom du chien et le nom du mort.

06 avril 2006

le nom du mort


Le nom du mort s’efface sous la gomme de la pluie.
Eclat d’obus ou gangrène gazeuse ; amputation du bras à titre posthume.
Sur la table cimentée, une infusion de fleurs en plastique refroidit rapidement.
La terre avale le sang des hommes et l’eau du ciel.